J’ai grandi sur un Cube-Monde agité, où rien ne prenait vraiment le temps de durer. Pas de père. Pas de mère. Seulement une sœur. Et un village altruiste, solidaire, bienveillant. Peut-être la meilleure des familles qu'il était donné de connaître. Les Nezloyans de cette bourgade m’ont tout appris. J’étais cette petite silhouette pâle, aux cheveux couleur de neige, qui courait au gré du vent avec les autres enfants. Nous offrions des roses aux Automates, nous faisions sonner les cloches à des heures indécentes, insouciants, heureux tant que le soleil se tenait haut. Les cycles s’écoulaient trop vite, plus courts que de raison. Les adultes nous protégeaient d’une vérité que nous pressentions à peine : il fallait vivre aux aguets. Mais l’enfance s’éteignit rapidement. Pris d’une admiration aveugle pour le patrouilleur en chef, je choisis la voie des épées. J’y consacrai d’innombrables cycles, tandis que ma sœur se dédiait à la soie, à la sculpture, à l’écriture, à la botanique. D’enfants rieurs, nous étions devenus jeunes adultes enracinés dans ce village qui était tout pour nous. J’ai grandi sur un Cube-Monde agité, où les choses arrivaient trop vite. Faut-il l’attribuer à un malheur, à un caprice divin, ou à une pierre ciselée qui se fendit ? Je ne sais. Ce que je sais, c’est qu’une horde de zombakis fracassa les portes du village. Trop nombreux pour être repoussés. Trop nombreux pour les deux lames d’un jeune homme qui croyait savoir se battre. J’ai été dévoré, réduit en fumée. Je me souviens de l’abîme où mon âme s’est brusquement éveillée. De la lueur qui, contre toute logique, m’a rappelé à la vie. Alors j’ai couru. J’ai cherché. Et j’ai retrouvé le village — calciné, ravagé, déserté, massacré. Aucune trace de ma sœur. Rien qu’un constat implacable : je suis revenu d’entre les morts, mais eux… non. Et c’est sur mes lames brisées que j’ai pleuré, incapable de laver la faute d’avoir survécu.

En attente.